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Situation budgétaire de l’entreprise

Le CSE Central de France Télévisions déclenche un droit d’alerte économique 

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Lors de sa séance du 8 octobre 2024, le CSE Central de France Télévisions devait rendre son avis sur les orientations stratégiques de l’entreprise et le projet de Contrat d’Objectifs et de Moyens 2024-2028. A cette occasion, les élus ont fait part à la direction de leurs fortes préoccupations sur la situation budgétaire de l’entreprise.

Sombres perspectives

En effet, au-delà des critiques de fond sur le projet et sa faisabilité économique, la dégradation budgétaire de l’entreprise ne fait que s’aggraver. En 2024, les 45M€ de crédits dits de transformation ont été réduits à 32M€, mais à ce stade l’Etat n’en a versé que 12 et nous ne savons pas s’il honorera son engagement sur les 20M€ restants. La direction reste stoïque en affirmant que ces crédits sont inscrits au budget et qu’au final, s’ils ne sont pas versés, cela passera en déficit de l’entreprise. Mais qui paiera l’addition in fine ? Dans le contexte budgétaire actuel en France, il est à craindre que cela soit directement imputé sur l’entreprise et donc sur les salariés.

Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là car les perspectives 2025 ne sont pas meilleures, bien au contraire. Le projet de loi de finances 2025 dévoilé le 10 octobre par le gouvernement prévoit une réduction du financement de France Télévisions de 50 M€ par rapport à ce qui était prévu au COM. Les crédits de transformation sont eux réduits de 27M€ pour notre entreprise. Soit une correction budgétaire de 77M€ par rapport à ce que prévoyait le COM. Cela donne le vertige ! Comment le plan stratégique de la direction peut-il encore tenir le coup ? La direction va-t-elle accepter de continuer à actionner la vis sans fin des économies ?

Selon les évaluations de l’expert économique du CSE Central, le projet initial de la direction nécessitait une purge d’au moins 600 emplois. Sauf si la direction trouvait les moyens de diminuer le coût du travail à France Télévisions. Comment ? En révisant l’accord collectif de l’entreprise sur certaines dispositions : remise en cause de la prime d’ancienneté, suppression de RTT et de congés spéciaux. Quoi d’autre ? Suppression de l’indexation en Outre-mer ? De la bonification des heures du week-end ? Nous n’avons aucun détail, la direction reste muette sur ses intentions. Les annonces sur le budget 2025 vont-elles enfin pousser la direction à se rebeller ?

L’IA, planche de salut budgétaire ?

Une autre préoccupation majeure avancée par la CGT est la mise en place à FTV d’un socle technologique d’Intelligence Artificielle qui potentiellement permettrait de développer de nombreuses applications internes. Les élus ont demandé l’ouverture d’une consultation sur ce projet, car le développement industrialisé d’applications peut être un moyen de supprimer à terme de nombreux postes de travail.

Les représentants du personnel ont le droit et le devoir de contrôler la mise en place de l’IA dans l’entreprise, les discours rassurants ne suffisent pas, il faut des engagements. Nous avons besoin de comprendre les impacts potentiels de chaque application et que toutes fassent l’objet de débats dans les instances.

A ce stade nous n’avons aucune information claire sur des projets concrets. L’enjeu est majeur en matière de qualité, d’éthique mais aussi d’impacts sur l’emploi.

Le CSEC déclenche l’alerte économique

La dégradation des perspectives budgétaires, actée par la loi de finance 2025, ne pourra qu’accentuer cette logique mortifère d’économies que connaît l’entreprise depuis près de 13 ans. C’est pourquoi les élus du CSE Central, anticipant les annonces budgétaires ont décidé d’engager une alerte économique. Une liste de questions précises (voir ci-dessous) a été transmise à la direction qui a maintenant obligation d’y répondre par écrit. La direction a une obligation de transparence vis à vis des salariés et de leurs représentants, il ne peut y avoir de plan caché.

Le CSE Central a la possibilité d’aller jusqu’au Conseil d’Administration pour obtenir des réponses, donc y compris des représentants de l’Etat qui siègent à ce Conseil. Mais au-delà, ce sont toutes les autorités de tutelle qui vont devoir s’expliquer. Comment allons-nous faire pour assurer nos missions avec un budget autant affaibli ?

Les représentants de la CGT s’activent auprès de toutes les commissions Culture et Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le projet de loi de finances 2025 et le projet de COM 2024-2028. Avec désormais une question clef : comment déployer un projet si le financement prévu, déjà insuffisant, n’est plus au rendez-vous ?

La situation est d’autant plus préoccupante que la question du mode de financement n’est pas réglée, même si des initiatives parlementaires sont lancées pour trouver une alternative à la budgétisation qui serait une catastrophe supplémentaire pour l’Audiovisuel Public. Il reste 2 mois et demi pour trouver une solution...

La CGT alerte les salariés ainsi que les pouvoirs publics sur l’extrême gravité de cette situation. Il ne suffit pas de claironner la nécessité de disposer d’un Audiovisuel Public fort, encore faut-il lui en donner les moyens. L’Audiovisuel Public est un régulateur de la démocratie. L’affaiblir, c’est affaiblir le vivre ensemble et renforcer ceux qui montent des murs entre les citoyens.

Encore une fois, les salariés vont devoir agir pour faire entendre leur voix, comme chaque fois que leur avenir est gravement menacé.

 

Paris, le 11 octobre 2024

 

*csec

Délibération du CSEC de France Télévisions

dans le cadre du droit d’alerte économique

 

Depuis plusieurs mois, des signes inquiétants laissent présager une dégradation grave de la situation économique de l’entreprise.

Face aux informations préoccupantes concernant la situation stratégique, économique et sociale de notre entreprise, des incertitudes qui pèsent sur son avenir et de l’absence de réponses de la direction à de nombreuses questions, il apparaît nécessaire aux élus du CSE Central de France Télévisions d’enclencher un droit d’alerte économique conformément aux dispositions prévues par le Code du travail (articles L.2312-63 et suivants).

En tant que représentants des salariés, nous avons le devoir de nous assurer que les décisions prises par la direction dans un contexte politique, économique et budgétaire très dégradé ne mettront pas en péril la pérennité de l’entreprise, les emplois et les conditions de travail des salariés. Notre rôle est de veiller à la protection des emplois et à la préservation des conditions de travail. L’objectif de cette démarche est de clarifier la situation actuelle qui de notre point de vue manque de transparence.

Plusieurs éléments nous conduisent à exprimer nos préoccupations et à considérer qu’un droit d’alerte économique est justifié :

  1. Signes inquiétants de dégradation de la santé financière de l’entreprise :

Nous avons constaté une baisse significative de certains indicateurs financiers en 2024, pour 2025 et les années suivantes car la trajectoire budgétaire actée à l’automne 2023 et sur laquelle l’entreprise s’est engagée est remise en question.

La situation de la trésorerie de l’entreprise oblige la direction à emprunter en fin de mois afin de pouvoir honorer ses factures et charges diverses, dont les salaires, en attendant le versement des dotations publiques.

L’entreprise a des difficultés à maintenir les investissements nécessaires et est encline à les reporter sur l’année suivante afin de préserver l’équilibre budgétaire.

  1. Impacts potentiels sur l’emploi :

L’analyse des orientations stratégiques de l’entreprise et de la trajectoire budgétaire pluriannuelle établie en 2023, amènent les élus à penser qu’une réduction des effectifs est   à craindre. A fortiori si la trajectoire budgétaire pluriannuelle est amputée d’une partie de ses crédits.

Cela n’est pas assumé comme tel par la direction mais l’observation de la politique de l’emploi actuelle sur les postes vacants, le non-renouvellement de contrats CDD, le gel des embauches sur des centaines de postes mis en réserve suite à la RCC et l’externalisation croissante d’activités sont des signaux d'alerte sérieux. Ces mesures, si elles se confirment, pourraient avoir des conséquences dramatiques sur l’emploi et les conditions de travail, sans que les élus aient la visibilité nécessaire sur la situation réelle de l’entreprise.

Le manque de communication claire de la direction sur ces sujets renforce nos inquiétudes quant aux impacts de la stratégie de l’entreprise sur l’emploi.

  1. Changements stratégiques :

Les orientations stratégiques de l’entreprise envisagées, et largement engagées, ne sont plus complètement financées. Des réductions de coûts importantes et des modifications dans l’organisation du travail et de la couverture conventionnelle des salariés sont à l’étude et n’ont été ni présentées aux élus ou aux OSR ni justifiées. Nous craignons que ces décisions n’engendrent des conséquences négatives à court et moyen terme sur la stabilité économique de l’entreprise et sur la qualité de l’emploi.

Ces éléments constituent une menace directe grave pour la pérennité de l’entreprise et les emplois, et ce silence de la direction devient intenable.

En conséquence, dans ce contexte, il est du devoir des élus d’agir afin de :

  • Obtenir des informations claires, détaillées et transparentes sur la situation économique, financière et stratégique de l’entreprise ;
  • Disposer d’une clarification des orientations stratégiques de l’entreprise et du Contrat d’Objectifs et de Moyens compte-tenu des modifications de la trajectoire pluriannuelle de financement ;
  • Connaitre les impacts de ces changements sur le COM, la stratégie de l’entreprise et le  calendrier de déploiement des projets
  • Connaître l’impact des décisions de révision budgétaires 2024-2028 sur les emplois, les conditions de travail et la viabilité à long terme de l’entreprise ;
  • Obtenir un dialogue social transparent afin de prévenir toute dégradation significative de la situation économique qui pourrait affecter la situation des salariés.

Nous demandons la tenue rapide d’une réunion exceptionnelle du CSEC afin d’examiner les éléments en notre possession et engager le cas échéant les démarches nécessaires pour une expertise  indépendante, si la situation le justifie, au regard de la liste des questions suivantes auxquelles la direction répondra par écrit avant la réunion.

Liste des questions :

1 - Objectifs stratégiques

Quels sens et crédibilité donner à la consultation du CSEC sur les orientations stratégiques de l’entreprise et le Contrat d’Objectifs et de Moyens si la trajectoire budgétaire pluriannuelle est révisée avant même l'entrée en vigueur du COM ? 

Une modification des orientations stratégiques et/ou du COM est-elle envisagée ?

Quels sont les objectifs ETP pour les années 2025-2028 et leurs conséquences ?

Quels sont les projets de modification de structure et de l’organisation envisagés par la direction pour les années 2025-2028 ?

Des abandons de mission sont-ils envisagés et si oui lesquels ?

2 - Sur la situation financière de l'entreprise :

  • Quelle est la situation financière actuelle de l'entreprise ?
  • La direction compte-t-elle prendre des mesures pour éviter un déficit en 2024 compte tenu du non-versement des budgets de transformation ?
  • Quelles seront les conséquences d’un déficit de l’entreprise en 2024 ?
  • Quelles sont les prévisions de budget pluriannuel 2025-2028 ?
  • Y a-t-il des actifs ou des biens que l'entreprise envisage de céder pour faire face aux difficultés financières ? Si oui, lesquels ? A quoi serviront les produits de ces cessions ?

3 - Sur les perspectives de l'entreprise :

  • Quelles sont les prévisions de l'entreprise en matière de plan de charge d’activité au Siège, dans le Réseau Régional et en Outre-mer ?
  • Quelles actions ou plans de restructuration sont envisagés pour redresser la situation (réduction des coûts, licenciements, fermetures de sites) ?
  • La direction a-t-elle envisagé des partenariats ou des fusions ?
  • La direction envisage-t-elle la création de filiales communes avec d’autres entreprises de l’audiovisuel public pour y loger certaines activités ?
  • La direction envisage-t-elle des transferts d’activité vers les filiales de France Télévisions ? Si oui, lesquelles et à quelle échéance ?
  • La direction envisage-t-elle des développements d’activité dans les filiales ? Si oui, lesques ?
  • Quels sont les risques identifiés par la direction à court et moyen terme ?

4 - Conséquences des difficultés économiques sur l'emploi :

Sur l'impact général sur les effectifs :

  • L’entreprise envisage-t-elle une réduction de ses effectifs dans les mois et les années à venir ?
  • Des suppressions de postes sont-elles prévues ? Si oui, combien, dans quelles directions et quels services, et selon quelle temporalité ?
  • La direction prévoit-elle des départs volontaires, des incitations à la retraite anticipée ou des départs contraints ?
  • Quels seront les impacts des difficultés financières sur les conditions de travail (heures supplémentaires, réorganisations, congés) ?
  • Y a-t-il un risque de retard dans le paiement des salaires dans les prochains mois ?
  • La direction envisage-t-elle des aménagements ou des modifications des contrats de travail pour répondre à la situation (modification des horaires et/ou des lieux de travail, ajustement des rémunérations) ?
  • A supposer que la direction considère que la trajectoire d’effectifs sera stable, quels moyens sont envisagés pour maintenir le niveau de masse salariale tel que prévu dans le COM sans réduction des effectifs ?

Sur la gestion des contrats de travail :

  • Des licenciements économiques sont-ils envisagés ? Si oui, quel en serait le calendrier et les modalités ?
  • Envisagez-vous de ne pas renouveler les contrats à durée déterminée (CDD) ou les missions d'intérim en cours ?
  • Y aura-t-il une réduction ou un gel des embauches en CDD et CDI à court terme ?

5 - Sur l’impact sur la couverture sociale et les rémunérations :

  • La direction compte-t-elle remettre en cause la couverture conventionnelle des salariés issue notamment de l’accord collectif  de 2013 dans les mois et les prochaines années ?
  • La direction a-t-elle fait réaliser un audit de l’accord collectif par un cabinet extérieur ? Si oui dans quel but et compte-t-elle le transmettre aux OSR ?
  • Les difficultés financières vont-elles impacter les augmentations salariales, les primes ou les avantages sociaux comme les tickets restaurant ou la mutuelle ?
  • Envisagez-vous un gel ou une réduction des augmentations de salaire, des promotions ou des évolutions de carrière ?

6 - Sur les conditions de travail et la charge de travail :

  • Quels seront les impacts sur les conditions de travail des salariés restants après une éventuelle réduction d’effectifs ?
  • La direction prévoit-elle des changements dans l’organisation du travail pour faire face aux difficultés économiques ?
  • Les salariés devront-ils assumer des responsabilités et tâches supplémentaires à la suite de suppressions de postes ? Si oui lesquelles ?
  • Des ajustements sont-ils envisagés sur les horaires de travail ?

 7 - Sur la sous-traitance et l'externalisation :

  • Quel est le taux de recours à la prestation par direction ? Combien d’emplois cela représente-t-il pour chaque direction ?
  • La direction prévoit-elle d’amplifier le recours à la sous-traitance ou aux prestataires externes ?
  • Y a-t-il des plans d’externalisation de certains services ou fonctions dans les filiales de FTV ou à l’extérieur du groupe pour faire face aux difficultés financières ? Si oui lesquelles ?
  • Si des services sont externalisés, quel sera l’impact sur les salariés concernés ? Seront-ils transférés ou licenciés ?

 8 - Sur l’impact sur la santé et la sécurité des salariés :

  • Les difficultés économiques auront-elles un impact sur les moyens alloués à la prévention des risques professionnels et à la sécurité des salariés ?
  • Comment l’entreprise compte-t-elle accompagner les salariés qui pourraient être touchés par la souffrance au travail liée à l’incertitude sur leur emploi ou à une charge de travail accrue ?
  • Alors même que le programme de transformation est présenté au CSE central, quels effets les réductions du budget auront–elles sur la qualité de l’accompagnement des salariés?

9 - Sur les mesures mises en place :

  • Quelles actions immédiates la direction a-t-elle mis en place pour pallier les difficultés financières (réduction des dépenses, non remplacement, suppression de missions temporaire, rediffusions de programmes, etc.) ?
  • Des audits ou diagnostics financiers ont-ils été réalisés récemment pour évaluer la situation économique et les mesures à prendre ?

10 - Sur les engagements sociaux et environnementaux :

  • Les difficultés économiques remettent-elles en cause les engagements environnementaux pris par l'entreprise (objectif de décarbonation, formation, sécurité, politique de développement durable) ?
  • Comment l'entreprise prévoit-elle d'informer et de protéger les salariés face à la situation actuelle ?

11 - Sur l’introduction massive de l’Intelligence Artificielle dans l’entreprise

  • Quel est l'objectif de l'introduction d’un système global d'IA dans l'entreprise ? Quel est le budget alloué au projet d’introduction de l’IA et comment sera-t-il financé ?
  • Quand la direction engagera-t-elle une information consultation à ce sujet ?
  • Quels sont les bénéfices attendus de l’introduction de l’IA pour l’entreprise, tant en termes de productivité que de réduction des coûts ?
  • Quelles tâches ou processus seront automatisés ou optimisés par l'IA ?
  • Quelles seront les conséquences directes de l'introduction de l'IA sur les emplois actuels ? Des suppressions de postes sont-elles prévues ?
  • L'introduction de l'IA entraînera-t-elle une modification des conditions de travail (horaires, charge de travail, organisation des tâches) ?
  • L’impact environnemental de l’IA va-t-il être inclus dans l’évaluation de la pertinence de l’outil ? Les effets rebond, du fait de la consommation énergétique massive de ces outils, vont-ils être intégrés à cette évaluation ?

Les élus demandent à la direction de répondre par écrit d’ici fin octobre 2024 aux questions posées et de fournir aux élus des explications écrites détaillées et chiffrées sur la situation financière et économique de l’entreprise, ainsi que sur ses perspectives à court et moyen terme.

Au vu de ces constats préoccupants, nous, membres du CSE Central demandons la tenue d’une réunion exceptionnelle pour débattre des réponses données par la direction et de décider de la suite à donner à ce droit d’alerte économique.

Adopté à l’unanimité des élus par 25 voix sur 25

Les organisations syndicales CGT, CFDT, FO et SNJ s’associent

Paris, le 08 octobre 2024

 

 

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