La fable de la régionalisation en carton-pâte
Le 10 février, les salariés ont reçu par la communication du Réseau France 3 un « message de Philippe Martinetti ».
On y apprend que, depuis 2020, nous sommes « engagés dans une transformation sans précédent », visant à renforcer la proximité dans l’offre de France Télévisions.
On découvre à cette occasion que la période 2020-2024 a été marquée par « des transformations majeures pour conforter notre offre ».
Une telle « transformation » a-t-elle fait l’objet d’un processus d’information et de consultation du CSE comme le prévoit la loi ? Point du tout. A aucun moment le comité social et économique n’a eu la possibilité de rendre un avis sur un quelconque projet.
En adressant cette communication à l’ensemble des salariés, le directeur délégué des antennes et programmes pour l’offre régionale court-circuite volontairement les représentants du personnels et reconnaît publiquement l’entrave des instances. C’est très grave.
On apprend par ce mail qu’avec les éditions Ici 12/13 et Ici 19/20, la direction a « redéfini l’information du groupe ». Redéfini dans quel sens ? Dans le sens d’une meilleure couverture de l’information régionale ? Et que dire de la couverture de l’information nationale et internationale sur France 3 ? Les éditions actuelles offrent-elles « un positionnement éditorial plus pertinent » qu’avant, « une légitimité renforcée auprès des citoyens », comme le proclame M. Martinetti ?
La communication du directeur délégué indique que le « pôle numérique région » a été « transformé ». Cette transformation a-t-elle fait l’objet d’une consultation de notre instance ? Que nenni ! La direction avance seule, sans les élus.
On découvre dans le même temps qu’un accord sur le financement des documentaires régionaux a été conclu avec les producteurs. Pas l’ombre d’une information en CSE. Mais la communication révèle ce qui guide véritablement notre direction : « notre ambition à structurer un véritable écosystème de production indépendante en région ». On a bien la confirmation qu’on se soucie manifestement plus de l’externe que de l’interne.
La direction, par la plume de Philippe Martinetti, se gargarise d’avoir, avec « l’avènement de la marque ICI », « installé une identité » – l’est-elle vraiment et déjà ? – « capable, croit-il, de rassembler et de répondre aux attentes de nos publics ». Que de pensée magique, que de prophétie autoréalisatrice !
Cette marque a été imposée aux salariés et à leurs élus, sans débat, sans la moindre étude d’impacts, sans qu’à aucun moment ils n’aient leur mot à dire.
Mais le mieux reste à venir. Alors que depuis de longs mois les élus demandent à connaître les orientations et la feuille de route pour le réseau régional, le directeur délégué à l’offre régionale en a gardé la primeur pour la newsletter hebdomadaire de la com.
On apprend ainsi que la direction entend développer « l’hyper-proximité ». Formidable ! Mais alors que, faute de moyens, les équipes peinent déjà à remplir les JT, que le numérique reste notoirement et coupablement sous-dimensionné, quel sortilège, quelle potion magique la direction entend-elle concocter pour y parvenir ?
La direction se propose de « renforcer la diversité éditoriale » en proposant des contenus « toujours plus innovants et en phase avec les attentes de nos publics ». Avec quelles troupes ? « Rendre nos contenus plus accessibles et connectés à la vie des citoyens » ? Avec quels moyens ? La direction n’est pas en mesure de renforcer les effectifs du web, malgré la demande des élus, elle encourage en douce les pratiques professionnelles sauvages pour faire face à ce dénuement ; les priorités affichées, comme le développement de la vidéo sur nos plateformes régionales, peinent pour le moins à donner des résultats.
Quand la communication directoriale promet « d’accentuer les coopérations du service public de la proximité », la réalité montre plutôt un retour en arrière, par exemple sur les PAE communes entre la radio et la télé, car elles sont souvent incompatibles, justement, avec « la singularité » de nos deux médias.
Quant à l’objectif de « consolider et accompagner le management local et les ambitions de l’ensemble des salariés des régions », il s’agit purement et simplement de science-fiction. Pour un nombre croissant de salariés, il ne demeure malheureusement plus comme « ambition » que de s’extraire d’un cadre et de conditions de travail de plus en plus pathogènes.
En définitive, le seul objectif sur lequel la direction semble s’investir sans compter, c’est de « soutenir la création locale : structurer et dynamiser l’écosystème régional », en organisant méthodiquement la privatisation de nos antennes au profit des producteurs privés, pendant que les salariés du Réseau, eux, à défaut « d’ambition », contemplent une ligne d’horizon faite de travail processé, industrialisé, voire robotisé.
Avec de tels ingrédients, peu de chance qu’on atteigne « l’exemple d’excellence et de proximité » à laquelle Monsieur Martinetti prétend voir notre réseau aboutir.
Il est certain que tant de faux-semblant et de carton-pâte s’accommode mieux du sens unique d’une communication descendante, que de l’épreuve critique d’une présentation aux élus du personnel.
Paris, le 19 février 2025

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