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Ah ! Les Shadocks… ces petites créatures multicolores qui défrayaient la chronique du temps où la télévision publique était novatrice, ont disparu de nos petits écrans en noir et blanc 819 lignes, depuis un demi-siècle. Pourtant leur esprit reste et leurs célèbres slogans semblent encore hanter les cerveaux de nos dirigeants et résonnent étrangement d’actualité. Prenons le projet Génesis par exemple. C’est le flou artistique total ! On nous présente les plans, la direction souhaite commencer les travaux, mais elle ne nous dit pas ce qu’elle va mettre dedans. Les salariés seront ici, ou là, ou peut-être même chez eux, mais il faut être prêt pour 2026. C’est urgent, on a les JO d'hiver et les élections municipales qui arrivent ! Les Shadoks avaient une formule pour ça : « Quand on ne sait pas où l’on va, il faut y aller le plus vite possible ! » Eh bien, la direction semble l’avoir magnifiquement adopté. Autre pensée complexe de nos amis pompeux : « En essayant continuellement, on finit par réussir, donc plus ça rate, plus on a de chance que ça marche » On croirait que cette maxime a été écrite sur mesure pour décrire la nouvelle ligne éditoriale de franceinfo. Voilà des mois que les salariés et les élus s’inquiètent, qu’ils alertent, et puis d’un seul coup, c’est le drame, entre les otages et les plages de Gaza, on commence à se poser des questions, on se rapproche de plus en plus de CNews, la référence en matière de débat caricatural. Dans l’affolement, on vire, on suspend, on met à pied, on met en retrait. Jusqu’à la double validation ! La solution ! Nous sommes sauvés ! Le projet Sherlock, quant à lui, a une sonorité très Shadokienne. En 1970, l’informatique en était à ses balbutiements, et ces petites créatures s’en amusaient. « Les ordinateurs, plus on s'en sert moins, moins ça a de chance de mal marcher », déclaraient-elles malicieusement. 50 ans plus tard, c’est exactement le déroulé de ce projet : bugs sur bugs. On essuie les plâtres, on bricole, traduction en langage technocrate : ça beta teste ! Mais le plus bel aphorisme Shadok, celui qui surpasse tous les autres est le suivant : « Pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut toujours taper sur les mêmes ». On en viendrait presque à se demander si cette devise n’est pas inscrite sur les murs à l’étage de la présidence de France Télévisions tellement elle est appliquée avec opiniâtreté. Observons attentivement ce qu’il se passe depuis des années. Tous ceux qui fabriquent prennent des coups sur la tête. Sur le terrain, ils sont toujours trop nombreux, de 3 ils sont passés à 2 pour finir tout seul avec la quasi-obligation d’avoir une double voire triple compétence. Ensuite on a commencé à externaliser les productions vers France TV Studio, Télématin, Thalassa, les Émissions religieuses, puis est venu le tour des équipes légères à leur tour démantelées, en 2025, ce sera au tour de la vidéo mobile de se faire ponctionner 2 cars. Entre-temps, le CDE n’en peut plus de dysfonctionner, avec au passage cette logique Shadok derrière laquelle la direction semble s’abriter : Et il n’y a pas besoin de prédire l’avenir pour comprendre que les prochains à trinquer seront les techniciens des régies du siège. Genesys va les envoyer remplir les rangs des décrétés inutiles des « toujours trop chers » des « pas assez souples ». Bref, tout salarié qui contribue à produire, fabriquer ou diffuser une image et un son, le cœur de métier de notre entreprise, l’artisan du produit final, se voit depuis des années fragilisé, attaqué, paupérisé. Dans le même temps, les services des études, des achats, les bêtas analystes, des H en tous genres, RRH, RH, DRH, foisonnent, les élites, énarques, centraliens, se reproduisent, les conseillers de programmes pullulent, les mêmes qui rediffusent le Corniaud tous les 6 mois depuis l’invention des Shadocks… On a vraiment l’impression que pour qu’il y ait le moins de mécontents possible, il faut que les efforts budgétaires reposent toujours sur les mêmes épaules. Pendant ce temps-là, Bangumi, Médiawan, Together Media pour ne citer que les principaux, pompent, pompent le budget du service public toujours en baisse, année après année. Même au sommet de l'État, on applique cette méthode. Encore un projet de loi dans les tuyaux pour réformer l’audiovisuel public. A chaque mandat présidentiel, on y a droit. Visiblement la France n’a qu’un seul problème : son audiovisuel public. Et pour couronner le tout, on rêve de recréer l’ORTF… qui, au passage, a vu naître les Shadoks ! La boucle est bouclée ! Mais ne vous inquiétez pas, nous pouvons toujours compter sur cette dernière pépite Shadokienne pour nous rassurer : « Le passé ne sera jamais pire que l’avenir. »
Paris, le 18 février 2025
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