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Situation généraleAprès avoir fait son habituel exercice de satisfaction corporate sur les programmes, les audiences, les succès, Delphine Ernotte a évoqué la bascule qui s’est effectuée entre la télé classique et le numérique autour de la série « Rivages », qui a fait plus de 50 % de son audience totale sur France.tv. La plateforme a connu une progression de 10 % en un an, avec 36 millions de visiteurs uniques. La plateforme vient de connaître un relooking graphique qui doit permettre de renforcer la personnalisation. Côté cinéma, France Télévisions a coproduit des films à succès : Emilia Perez est en lice pour les Oscars, En fanfare pour les Césars. Le secteur est suspendu aux décisions stratégiques de Canal+, 1er financeur du cinéma devant France Télévisions, qui a décidé de se retirer de la TNT. La présidente se réjouit à ce propos de la renumérotation de la TNT décidée par l’ARCOM, une « très bonne nouvelle ». Franceinfo va passer du canal 27 au canal 16, et France 4 du canal 14 au canal 4, ce qui crée « une logique totale à l’ensemble de nos chaînes linéaires ». La PDG a qualifié de « tournant important » le changement de nom de la radio France Bleu en « Ici », que les patronnes des deux boutiques ont célébré à Châteauroux, où l’équipe de France 3 et celle de la radio sont dans les mêmes locaux. Elle n’en dira pas plus sur la marque Ici, son déploiement dans les régions de France 3, ses impacts. C’est encore et toujours un angle mort de ce projet stratégique. Delphine Ernotte a évoqué brièvement la situation à Mayotte, toujours très difficile. Elle se réjouit toutefois, comme pendant la période du Covid, que FTV joue un rôle avec la diffusion de Lumni pour assurer l’école à la télé. Évoquant l’émoi autour d’un titre de franceinfo qualifiant d’otages les détenus palestiniens, Mme Ernotte a estimé que c’était une erreur « pas intentionnelle ». Quant à la réaction sur X de la directrice de la communication corporate, Muriel Attal – qui rassurait une députée macroniste en l’assurant que la direction avait réagi de manière très « Lucky Luke » – Delphine Ernotte a estimé qu’elle a commis une erreur mais la réduit à l’utilisation d’émoticônes dans son message. Suite à cette publication, la directrice de la com a reçu « des milliers » de tweets antisémites. FTV va l’accompagner en justice. Sur l’intelligence artificielle générative, Delphine Ernotte veut se poser en garante du respect des valeurs du travail des journalistes et des médias, on verra... Côté situation économique, c’est très tendu. Le budget de France Télévisions vient encore d’être amputé de 26 millions d’euros : « en deux mois, c’est 100 M€ qu’on a perdus, c’est assez colossal ». Les nouvelles coupes creuseront le déficit mais il n’y aura « pas de conséquence autre pour l’activité de l’entreprise et pour ses salariés », selon la présidente. La question qui se pose, alors que le budget 2025 sera en déficit, c’est 2026 et 2027, selon elle. « On ne peut pas avoir éternellement une entreprise en déficit ». Le directeur général adjoint, Christian Vion, grand argentier de France Télévisions, qualifie ce budget 2025 d’« assez moche ». Selon lui, le déficit d’exploitation de 49 M€ est conséquent, mais ça permet de « ne pas casser la machine FTV en 2025 ». Cela ne pourra pas se reproduire en 2026, selon lui. Pas un mot sur les salariés et les conséquences sociales. Interpellée sur la crise à la Fabrique (autour de la suppression de deux cars-régie), Delphine Ernotte parle d’un « point de cristallisation ». Selon elle, « l’État ne comprend pas que nous ayons encore autant de moyens internes de fabrication. Ça fait des années qu’on se bat pour maintenir des moyens internes de fabrication. Depuis 10 ans, les moyens internes ont été préservés » alors qu’ils ne sont pas à l’équilibre, a-t-elle affirmé. Dans l’affaire des cars de vidéo mobile, c’est en 1er lieu la méthode, sans aucune concertation, qui a choqué. Les élus CGT ont interpellé la direction sur la mise en place d’un accord sur la conduite des transformations. La DRH Isabelle Caroff a répondu qu’il allait y avoir des discussions sur la conduite de projet dans l’accord GPEPP (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Parcours Professionnels), dont la négociation n’a pas encore démarré. Les élus dénoncent le manque de transparence et de sincérité de la direction dans la présentation et la conduite des projets.
Point d’actualité sur l’Outre-merSur la situation de Mayotte, la directrice du Pôle Outre-mer a recontextualisé les choses et a tenu à rappeler les décisions prises par la direction à la suite du passage du cyclone Chido pour accompagner les salariés de la station. Ce cyclone a provoqué beaucoup de dégâts sur le territoire, 90 % des toitures ont été emportées et la station n’a pas été épargnée, même si c’est dans une moindre mesure. Le bâtiment est néanmoins dorénavant hors d’eau, notamment grâce à l’implication des salariés. En visite sur le terrain en compagnie de la directrice du Pôle, la présidente s’est étonnée en constatant la fragilité des charnières retenant les fenêtres de la station, alors que ce bâtiment récent était bien aux normes parasismiques et anticycloniques. Sylvie Gengoul a indiqué qu’une cellule transverse, composée de la présidente et de membres de la direction, a été déclenchée très tôt, permettant l’identification des besoins et la prise de décisions rapides :
En commission Outre-mer, le directeur régional Toufaili Andjilani, a salué l’engagement sans faille des salariés de Mayotte la 1ère et a remercié ses homologues d’avoir facilité l’envoi de renforts. Il a précisé aussi que des mesures urgentes avaient été prises, notamment la prise en charge des repas des salariés, la mise à disposition de bâches pour leurs toitures, la mise en télétravail quand cela était possible, etc. L’élu CGT de Mayotte au CSEC a lu une déclaration, notamment pour insister sur l’épuisement des équipes, sur le souhait général de voir « récompensés » tous les salariés de Mayotte la 1ère pour leur implication, sans distinction, et de voir la direction apporter une aide à la reconstruction des maisons des salariés. A cette requête, la direction a répondu qu’elle prévoit le versement d’une prime exceptionnelle (4 paliers), mais uniquement aux salariés qui étaient au travail durant cette période. Elle indique par ailleurs qu’un abondement de la dotation du CSE de Mayotte est prévu, à hauteur de 30.000 €. Quant à l’aide à la reconstruction, la présidente ne souhaite pas aller dans cette voie, même si au passage elle souligne le formidable travail des équipes du CSE de Mayotte. Elle a précisé par ailleurs que l’état de catastrophe naturelle a été déclenché par l’État et que cela devrait faciliter l’intervention des assurances sur place. Les travaux au sein des locaux devraient être terminés en juin. Le patron de la direction de l’immobilier de FTV s’est rendu à Mayotte pour s’assurer que les mesures conservatoires prises tiendront jusqu’à cette date. Sur la partie outil de travail, le directeur des Moyens et du développement du Pôle Outre-mer a précisé en commission Outre-mer que tout est rentré dans l’ordre et que la station a retrouvé toute sa capacité de fabrication et de diffusion. Le Secrétaire du CSE central a indiqué qu’une démarche solidaire a été enclenchée au bénéfice des salariés Mahorais. L’idée est de négocier un accord d’entreprise permettant de ponctionner 100.000 € sur la dotation globale Activités Sociales et Culturelles des CSE et CE (chaque établissement contribuant ainsi proportionnellement), pour les reverser au CSE de Mayotte qui aura la charge de distribuer cet argent équitablement entre les salariés, sous forme de dons de secours. Le Secrétaire a demandé à la direction de FTV d’abonder cette somme. Un audit est en cours pour identifier les actions à mener pour sécuriser les antennes ultramarines.
Information-consultation sur le projet de modification du Règlement intérieur et de la charte informatiqueDepuis avril 2024, les élus débattent dans les CE et CSE de la modification du règlement intérieur de France Télévisions. Si la mise en conformité avec les règles légales est une obligation, l’un des points de crispation portait sur la mise en place à France Télévisions d’une clause de neutralité. De quoi s’agit-il ? La loi du 24 août 2021 vise à lutter contre le séparatisme et les atteintes à la citoyenneté en confortant le respect des principes républicains par les organismes chargés directement de l'exécution d'un service public. L’un des dispositifs est la mise en place d’une clause relative au principe de neutralité. Dans l'Audiovisuel Public, et à FTV en particulier, les lois sur l’audiovisuel obligent déjà au pluralisme et à la neutralité. Le débat, pour les élus, portait donc sur la conciliation entre cette mise en conformité avec la loi et le respect des libertés individuelles des salariés, en particulier la liberté d’expression, et à plus forte raison lorsqu’il s’agit de journalistes et de salariés intervenant à l’antenne et sur les réseaux sociaux. Le texte initial indiquait une obligation de neutralité dans l’expression des convictions religieuses, politiques et philosophiques. Les élus ont souligné que si la neutralité religieuse et la neutralité politique peuvent être objectivées par le cadre légal ou règlementaire de la loi de 1905, ainsi que les lois et règlementations encadrant l’audiovisuel dans notre pays, il n’en est pas de même pour la référence aux « convictions philosophiques ». Cela était manifestement abusif dans une entreprise où le débat est au cœur de son fonctionnement et de sa raison d’être. Après de longs débats de fond, sur plusieurs mois, la direction a fini par retirer cette référence aux convictions philosophiques. Un certain nombre d’autres dispositions du projet de règlement intérieur et de la charte informatique ont par ailleurs été contestés par les élus qui ont émis un avis négatif. La direction a toutefois dit vouloir étudier à nouveau les demandes des élus afin d’aboutir à une version qui sera présentée à l’inspection du travail pour validation. Les élus pour leur part ont décidé d’intervenir également auprès de l’inspection du travail, sur la base de la version finale du texte que nous attendons encore et, le cas échéant, de faire valoir leurs critiques.
État des lieux sur l’intelligence artificielle à FTVLa direction a annoncé la mise en place d’une charte et d’un comité de pilotage. Plusieurs solutions d’IA sont déjà fonctionnelles à FTV. Dans Dalet, il y a un système de transcription automatisée de vidéos, avec identification des changements de locuteurs. Il y a une solution de sous-titrage à franceinfo TV pour les sourds et malentendants. Le projet de la direction est de l’étendre à tout le Réseau France 3 en commençant par France 3 Paris-Île-de-France. La DRH de FTV a parlé de discussions, d’échanges et de concertation, mais surtout pas de négociation. Pour la CGT, il y a nécessité de conclure un accord cadre à France Télévisions sur l’introduction et l’utilisation de l’intelligence artificielle qui est une nouvelle technologie, pour pouvoir suivre et contrôler au fil de l’eau la conception, les objectifs et les impacts sur tous les aspects : économique, emploi, sens du travail, conditions de travail, éthique. En ce sens, les instances doivent pouvoir exercer pleinement leurs prérogatives. Concernant l’IA générative (IAG), FTV va proposer Mistral, un système français. Pour les données, on utilise MedIAGen, dont le data center se trouve en Île-de-France. C’est un des plus sécurisés de France nous dit-on. Il est clair pour la direction que l’IA va modifier la façon de travailler de tout le monde. Il va y avoir de plus en plus de chatbots pour aider les salariés à travailler sur certains outils comme OpenMedia avec des tutoriels dédiés. Cela concernera aussi les salariés de la maintenance. Il y a aussi des IA pour enrichir les données des programmes, aujourd’hui fournies par les producteurs. FTV intègre également le standard C2PA sur la transparence de l’information. Il permet, à travers une blockchain de taguer une vidéo avec un manifeste qui indique la source. Le 20h de France 2 sera la premier JT au monde à être tagué selon la direction. La question se pose de savoir quelles formations accompagneront ces évolutions. Pour l’instant elles se limitent à trois modules. Les élus demandent que les représentants du personnel soient associés au comité de pilotage pour partager le même niveau de connaissance que la direction. Celle-ci en convient, dans la mesure où ces nouveaux outils ont un impact sur l’emploi et les conditions de travail. Les organisations syndicales ont néanmoins le sentiment d’être mises devant le fait accompli. Par exemple, sur MedIAGen on apprend que 800 salariés l’utilisent déjà mais nous ne disposons que d’informations sommaires. Par ailleurs, des outils déjà déployés comme Sherlock, ou en cours de déploiement comme Perfect Memory pour les documentalistes, pourront intégrer une IA. Ces montées de version ne sont pas anodines. Il faudra aussi un dialogue avec les utilisateurs pour savoir quels sont les besoins. Delphine Ernotte considère que ce sont les secteurs créatifs qui vont être les plus percutés par l’IA. Selon elle, ce sont les médias qui assurent ce qu’ils font avec des « vrais gens » qui auront une valeur ajoutée. Néanmoins, des documentaires utilisent déjà des IA pour créer de fausses images. Les producteurs sont supposés en informer le diffuseur et le téléspectateur. Mais quelles garanties a-t-on que le producteur ne nous trompe pas ou ne transforme pas la réalité ? L’exemple des images générées par IA et diffusées dans l’émission « C pas si loin » sur France 5 rappelle que de nombreuses dérives sont possibles. La direction annonce une longue série de présentations d’outils intégrant de l’IA. 1ère présentation : Raiponse V2.
Information sur la montée de version de RaiponseDepuis novembre 2022 tous les salariés permanents et en CDD de droit commun peuvent interroger Raiponse, le tchatbot RH de FTV disponible sur Teams et la page RH de monespace. Les réponses sont adaptées au profil du demandeur (PTA, journaliste, parent…). S’il a l’avantage de ne pas avoir d’hallucination (contrairement aux assistants IA du marché), sa compréhension est limitée. Le taux de bonne réponse est évalué à 85 %. En mars 2025 une nouvelle version doit être mise en ligne. « Gonflée » à l’intelligence artificielle, le nombre de thématiques interrogeables sera fortement augmenté et le robot devrait pouvoir faire des réponses plus complètes, dans un langage plus naturel, avec des résumés et des traductions de textes et des rédactions de contenus pour rédiger un mail à sa RH sur un thème RH par exemple. Les réponses seront a priori encore mieux sourcées. Une nécessité absolue pour les élus, car les réponses sont parfois de pures interprétations de la part de la direction, ce qui peut faire croire à des salariés de renoncer à leurs droits (comme les jours de fractionnement des journalistes). Autre problème, il arrive que des RH se cachent derrière des « notes secrètes » inconnues des salariés et des élus pour limiter les droits. La direction doit faire œuvre de transparence sur les données qui seront absorbées par ce nouveau SIA (Système d’Intelligence Artificielle). Côté RH, les bénéfices attendus par la direction sont : « libération du temps pour se concentrer sur le contrôle de paie, l’accompagnement des managers et des salariés, uniformité des réponses, amélioration continue et efficience améliorée ».
Désignation de l’expert sur la situation financière et économique de l’entreprise pour l’année 2025Les élus ont désigné le cabinet Secafi pour qu’il analyse les comptes de l’entreprise. Ils lui ont également confié une mission d’analyse des mesures de transition écologique de l’entreprise.
Paris, le 13 février 2025
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