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Vous vous en souvenez ?

C’était en 1998…

La rédaction de France 2 avait eu la folle idée d’accueillir la caméra du réalisateur William Karel.

La chaîne lui avait donné carte blanche pour filmer la fabrication de nos éditions de 13h et 20h, lui offrant ainsi l’opportunité d’être le premier spectateur de notre tambouille interne.

Une liberté totale qui n’avait pas survécu plus de 24h !

Dès le lendemain, le réalisateur avait trouvé porte close. La liberté, ok … Mais à condition de ne pas s’en servir...

12 mois de tractations plus tard, il avait de nouveau enclenché le « rec », un présentateur et une équipe toute neuve l’avaient de nouveau autorisé à nous étudier.

Mais là encore, la chaîne a grincé des dents. Sa faute ? Avoir été le témoin des tensions qui régnaient déjà à l’époque au sein de la rédaction.

C’est très exactement à 8 minutes 45 secondes du documentaire que le drame éclate.

Une jeune journaliste qui fera par la suite une belle carrière dans notre entreprise, détient un scoop sur le génocide rwandais, mais cette information devra attendre le lendemain faute de place.

Un rapide coup d’œil sur le conducteur lui prouve que la hiérarchie de l’information n’est plus qu’un vague souvenir à France 2, « les vins primeurs » sont au programme…

En colère, elle lâche cette phrase prémonitoire :

« Si nous ne diffusons pas l’information quand nous l’avons, il ne faut pas s’étonner qu’un jour l’information soit ailleurs ! ».

Une remarque qui signe l’opposition de 2 clans.

  • D’un côté ceux qui ont les yeux rivés sur les audiences et qui considèrent qu’un journal doit d’abord être vu.
  • Et de l’autre, ceux qui estiment qu’un journal doit avant tout informer, peu importe les chiffres.

Un quart de siècle plus tard, il faut admettre que c’est le camp de l’audience qui a gagné.

Un rapide visionnage de nos éditions le démontre.

Sur le fond, nos journaux s’articulent principalement autour de 3 grands thèmes :

  • Les évènements climatiques,
  • Le pouvoir d’achat,
  • Et l’insécurité au quotidien.

Il faut du « local » du « concernant » ce sont les mots d’ordres.

Mêmes nos magazines n’échappent pas à ce traitement et que dire de France Info qui pourrait se rebaptiser « France Débat ».

Sur la forme, c’est le micro-trottoir qui est roi ou le direct au milieu de nulle part avec à chaque fois des phrases cultes comme : « c’était un monsieur très gentil, qui aurait pu imaginer qu’il fasse une telle chose ? » à propos d’un fait divers sordide, où « comme vous le voyez derrière moi », dans une gare ou un aéroport pour illustrer les départs en vacances.

Dans les deux cas, pas de quoi remporter le prix Albert Londres !

Alors que l’information a toujours été notre force, elle est devenue aujourd’hui bien insipide.

En 1998, internet en était encore pré pubère,

25 ans plus tard, il faut avouer qu’elle avait vu juste cette journaliste, effectivement aujourd’hui l’information est ailleurs !

Les gens vont s’informer sur les réseaux sociaux, vers les magazines numériques.

Avec notre ligne éditoriale en dents de scie imposée par la hiérarchie, qui oscille entre Météo France ou une télé locale, nous avons au final fait fuir beaucoup de monde.  

Les électeurs de droite nous trouvent trop à gauche, et les électeurs de gauche, trop à droite.

Combien de journalistes s’y retrouvent ?

Sans oublier qu’en plus, nous nous affichons comme donneurs de leçons, il faut combattre les « Fakes News » ! Noble mission, mais encore faudrait-il que l’on soit irréprochable.

Récemment, le 12 décembre dernier un sujet du 13h de France 2, la découverte d’un détenu dans une prison syrienne n’était qu’une vaste mise en scène de nos confrères de CNN et nous avons plongé direct !

Et que dire de cette séquence, certes dans une émission de divertissement de fin de soirée, où une ancienne Première Ministre déclare qu’en cas de censure, dès le lendemain, notre carte Vitale ne fonctionnera plus et que les retraites ne seront plus versées, ceci devant deux présentateurs qui acquiescent sans la contredire.

Voilà ce qui arrive lorsque nous mélangeons politique et divertissement !

Depuis des années, à chaque fois que des sujets de société clivants apparaissent sur le devant de la scène, à chaque période de crise, le système pyramidal, la toute-puissance des responsables des éditions, imposent une ligne pro-gouvernementale au détriment d’un véritable pluralisme, pourtant dans notre cahier des charges.

Tous ceux qui osent faire un pas de côté sont excommuniés, des invités blacklistés, des journalistes écartés.

En ce moment même, à propos de l’ascenseur émotionnel que nous procure la politique française qu’entend-on principalement répété en boucle par nos éditorialistes ?

« Il faut de la stabilité » oubliant au passage de préciser que la démocratie porte en ses germes l’instabilité, ce qu’un élu a fait un autre peut le défaire, et que rien n’est plus stable qu’un régime totalitaire.

Lorsque des journalistes sont écartés d’une campagne électorale pour soupçons de mauvaise couleur politique, lorsque des rédacteurs, des JRI sont agressés sur le terrain, lorsque nos véhicules sont aujourd’hui anonymisés, que nous ne pouvons même plus arborer fièrement nos couleurs, lorsque bon nombre de journalistes sont en souffrance ne trouvant plus de sens dans leurs missions parce que les sujets sont « in fine » réalisés par les rédacteurs en chef dans le seul but de servir la doxa du moment, lorsque les « burn out » pleuvent, que l’arrêt de travail ne devient que la seule planche de salut, les élus du CSE ne peuvent rester sans réagir.

Et rappelons-nous fièrement, comme l’arbore un journal satirique paraissant tous les mercredis :

« La liberté de la presse ne s'use que quand on ne s'en sert pas »

 

Paris, Le 8 janvier 2025

 

« Le journal commence à 20 heures », réalisation William Karel

  https://youtu.be/gREBaOpUR5s?si=IJa9CPJo5I0YF4JJ

 

 

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